Lexique

Ce champs lexical, non formel, nous a permis de préciser les termes qui entourent notre travail créatif. Il n’est pas exhaustif et ne prétend pas faire autorité. Il intègre l’information tirée d’un certain nombre de sources qui ont fait partie de nos recherches de départ. 

Le mot white wash

L’expression white wash est, entre autres, utilisée pour désigner le fait de valoriser, de magnifier le rôle des blancs dans l’histoire et d’occulter, de diminuer ou de déformer l’impact des non-Blancs. 

En effet, cette pratique participe à créer dans l’imaginaire collectif, y compris chez les personnes racisées, la conviction que toutes les personnes ayant eu un rôle important dans l’histoire seraient blanches. Elle contribue indirectement et de manière inconsciente à légitimer les discours racistes, les exclusions et les inégalités qui traversent encore nos sociétés. Notamment, en créant des images tronquées de ce qu’est notre monde et de ceux et celles qui contribuent à le construire,

Au cinéma, l’expression définit des pratiques qui modifient une histoire originale en distribuant un interprète blanc dans un rôle basé sur une personne non blanche. À une certaine époque, on rendait également les personnages ethniques plus attrayants en leur attribuant des caractéristiques caucasiennes. Enfin, on reconnait tous la pratique selon laquelle tous les personnages positifs d’un film sont blancs, à l’exception du « méchant ».

L’expression est également utilisée en éclairage de scène, il s’agit d’un éclairage uniforme qui peut être de n’importe quelle couleur. 

Ces définitions ont servi d’ancrage à notre réflexion. Nous avions envie de parler des histoires effacées de nos communautés et jouer de la lumière pour sortir de l’ombre nous semblait un bon point de départ.

 

Comment je m’appelle ? 

À travers les époques, dans les différentes colonies, on a affublé les personnes non blanches de toutes sortes d’appellations. Dans le cas des afro-descendants, ils font souvent référence au degré de mixité de la personne, à la quantité de sang noir qui coule dans ses veines. Alors que le sang est uniformément rouge! 

Les dictionnaires en répertorient d’ailleurs toute une série. La plupart ont des étymologies offensantes. Nous préférons donc employer les mots métissé, mixte ou l’acronyme BIPOC, pour parler de nos origines. 

À titre indicatif, on nous a appelées : Capre-Capresse (enfant issu d’une union Métissé-Noir), Grimelle-Grimau (terme utilisé surtout en Haïti ou par la diaspora haïtienne pour les Noirs à la peau claire et aux cheveux crépus), Mamelouk (enfant issu d’une union Blanc-Quarteron), Marabou (décrit le métissage entre Haïtiens et les descendants européens, africains, Tainos et Sud-Est de l’Asie. Utilisé en Haïti surtout pour ceux qui ont la peau foncée et les cheveux lisses. Mulâtre-Mulâtresse (autrefois utilisé pour désigner une personne dont la mère est Noire et le père est Blanc ou inversement), Octavon-Octavonne (enfant issu d’une union Quarteron-Blanc), Quarteron-Quarteronne (enfant issu d’une union Métissé-Blanc), Zambo-Zamba (enfant issu d’une union Noir-Autochtone). Terme qu’utilisaient les hispanophones en Amérique du Sud. Ce terme est désuet aujourd’hui en français. Squaw (femme indienne en Amérique du Nord), Sauvage (on nommait ainsi les autochtones). Sources dictionnaire Robert

On a aussi fait référence aux Autochtones comme étant des Amérindiens, le terme est basé sur l’erreur historique de Christophe Colomb, puisque ceux qui habitaient les rivages sur lesquels il a accosté n’étaient pas Indiens. Les Autochtones étaient répartis en plusieurs nations. On répertorie encore aujourd’hui, chez nous, les nations : Abénakis, Atikamekw, Anishnabe (Algonquin), Eeyou (Cri), Innu, Inuit, Métis, Mi’kmaq, Mohawk, Naskapi, Wendat, Wolastoqiyik.

 

Le mot en N

On nous a aussi désignés par le mot en N… 

Un mot qui a fait couler beaucoup d’encre et si l’on débat encore de son utilisation on ne peut nier l’insulte, la connotation raciste qu’il porte.

Nous publions, ici, un texte de Serge Bilé, journaliste franco-ivoirien qui a assuré la présentation du journal télévisé de la Martinique pendant plus de 20 ans. Bilé y décrit l’une des perspectives historiques de l’utilisation du mot.

Texte de Serge Bilé

C’était il y a un peu plus de 60 ans. Les commis des affaires indigènes avaient droit de vie et de mort sur ceux qu’ils administraient et qu’ils appelaient dédaigneusement les « nègres ».

En 1926, l’écrivain français fait escale en Côte d’Ivoire et décrit ainsi les dockers qui travaillent sur le wharf de Grand-Bassam: « Les nègres nus crient, rient et se querellent en montrant des dents de cannibales ». Les mots de Gide m’ont renvoyé à leur tour à ceux du philosophe Diderot qui prétendait « qu’en général, les nègres ont peu d’esprit », puis à ceux du naturaliste Buffon selon lequel « le nègre serait à l’homme ce que l’âne est au cheval ».

Dois-je citer également Voltaire pour qui « les Blancs sont supérieurs aux Nègres » ou faire la Révolution avec les « patriotes » qui organisaient « la fête des nègres » en 1794 en se barbouillant de suie pour jouer aux « noirauds ».

À moins qu’il ne me vienne l’envie d’entonner avec le chanteur Félix Mayol son tube de l’année 1899: « Moi, bon nègre tout noir, tout noir ». Ah le mot « nègre » !! Ah ce faux ami apparu en France en 1552 dans le Dictionnaire des huict langaiges. Il devait à l’origine servir à désigner les personnes de couleur noire.

Il a très vite viré sa cuti et contribué à les asservir en s’enrobant de mépris, du genre de celui qu’on oppose à des êtres qualifiés d’inférieurs. C’est ce crachat qu’Aimé Césaire a pris lui aussi en pleine figure et qu’il a retourné contre les haineux en leur disant: « Le nègre vous emmerde !! » Césaire en a certes fait un cri de révolte, repris par beaucoup depuis, mais la salissure n’a jamais disparu. 

Texte d’Emilie Nicolas

En 2020, la chroniqueuse Emilie Nicolas publiait dans le devoir un texte qui illustre, selon nous, parfaitement, les enjeux reliés à l’utilisation d’un mot aussi chargé.

Un texte à lire pour ceux qui cherchent à comprendre le débat autour du mot en N…

Pour en savoir plus sur le texte Comment te faire confiance sans cet arme sans me fatiguer d’Émilie Nicolas

 

Point de vue

Le premier jet de nos histoires est né dans ce positionnement. Nous nous sommes ensuite attardés aux richesses culturelles communes de nos peuples ancestraux pour enrichir notre démarche. 

Impossible de passer outre l’esclavage transatlantique (lien vidéo)  et celui de la Nouvelle-France sans taire un grand pan de notre histoire. 

 

Métissage

G. Reginald Daniel, auteur et professeur de sociologie à l’Université de la Californie explique que les classes dominantes ont longtemps évité le sujet parce qu’il évoquait l’esclavage.

Mais nous sommes ici, avec nos sangs mêlés, nos histoires effacées, nos quêtes identitaires et notre désir de célébrer notre métissage. Ce métissage qui s’amalgame et s’influence partout dans la musique, la danse, le cinéma, la dramaturgie, la spiritualité jusque dans l’art culinaire et vestimentaire. 

Génétique ou culturel, il évoque la rencontre, le multiple, le maillage, la réunion, le tissage de deux éléments qui n’en forment plus qu’un seul. 

Wontanara. Nous sommes ensemble.